Vente aux enchères du Dimanche 15 Octobre
1995
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La Magie aux Enchères Publiques.
En octobre dernier deux événements d’importance ont marqué la vie des
magiciens collectionneurs français et étrangers. Deux ventes aux enchères à quelques
jours d’intervalle ! Du jamais vu depuis la vente de la collection de mon ami
le Dr Georges Cartier à la galerie Koller de Genève,
il y a quelques années.
La première vente avait lieu le 15 octobre, à Chartres dans le cadre magnifique
de la « Galerie de Chartres ». La seconde nous réunissait au célèbre Hôtel
Drouot à Paris le 21 octobre. Deux catalogues énuméraient les trésors
rassemblés au fil des ans par deux grands collectionneurs :
J’ai pris possession du
catalogue de Chartres au congrès de Tours... Somptueux !
Non seulement, il est illustré par des photos en couleur et en noir et blanc
d’objets à vendre, mais chaque livre, chaque affiche, ou appareil est
parfaitement décrit, dans le moindre détail, avec des annotations précises, sur
leur créateur ou leur histoire personnelle. Ce catalogue que l'on peut lire
presque comme un roman, est comparable pour son sérieux et sa qualité à celui
de la vente Findlay organisée par Sotheby's à Londres en 1979 !
Un catalogue que tous collectionneurs sérieux et bibliophiles ou passionnés de
magie, se devraient de posséder dans sa bibliothèque pour y étudier les
précieuses références qu'il renferme!
Hjalmar, puisque c’est lui qui a
rédigé ce catalogue, à fait un véritable travail d’expert, titre qu’il possède
d’ailleurs depuis quelques années et que l'on ne peut lui contester aujourd'hui
ou lui remettre en question, quand on a vu avec quel brio il a su mettre ses
connaissances magiques au service de la vente organisée par Maître Lelièvre.
J’ai reçu le catalogue de Drouot quelques jours après. Très jolie couverture,
mais beaucoup moins de détails dans les descriptions très imprécises
d’ailleurs...
A Chartres, 185 livres en langue française et plus de 200 livres en anglais,
étaient proposés, sans compter ceux en allemand, néerlandais, italien,
espagnole, et portugais.
De nombreuses affiches, presque toutes encadrées, un nombre impressionnant
d’appareils de magie et surtout trois Pendules Mystérieuses de Robert - Houdin, avaient attiré
des ordres d'achat, venus aussi bien des Etats-Unis, d'Allemagne, Belgique,
Suisse, Hollande, Autiche, Portugal, France, etc., avec un peu plus d'une
centaine de personnes présentes dans la salle, parmi lesquelles on pouvait
reconnaître Christian Fechner, Pierre Mayer, Mario Carandi,
Jacques Voignier, Klingsor.
Cette journée, interrompue par un repas convivial, qui permit à chacun d’entre
nous d’échanger ses impressions, se déroula dans une ambiance dés plus détendue
et sympathique.
De plus, les estimations de Hjalmar
« collaient » avec la réalité, celles-ci correspondant le plus souvent aux
enchères finales. Bravo à l’Expert !
Le Dhotel, magnifiquement relié, en huit volumes
demi-chagrin, atteint 14000 F, alors que « l’histoire de la prestidigitation»
de Max Dif partit à 4200 F. Notons également que les Decremps, reliés en trois volumes demi-chagrin également,
furent acquis pour la coquette somme de 8500 F.
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Le Commissaire-priseur Maître Lelièvre et
l'Expert Hjalmar durant la
vente. |
Les affiches n’eurent pas le succès escompté, beaucoup d’entre-elles étant d’ailleurs
retirées de la vente faute d’enchères. Pourtant de très belles pièces étaient
présentées, témoins muets de l’histoire de notre art, ainsi donc, Kasner, Sorcar, Carter, Bénévol, etc... retrouvaient l’espace d’une vente, la gloire qui en leur
temps fut la leur.
Les objets eurent le privilège de bénéficier du talent de notre Ami Klingsor
dont les démonstrations contribuèrent à donner à la vente son caractère
chaleureux et détendu.
Houlette, cage à disparition, quêteuses, casserole aux colombes, cuiller aux
billets... furent donc soumis aux convoitises des collectionneurs présents (ou
non) dans la salle, avant de partir pour leur nouvelle destination, aux «
quatre coins de la terre » (la quadrature du cercle, vous connaissez ?).
Bien sûr, tout le monde attendait l'arrivé des numéros 372, 373, et 374, où
étaient référencées les trois Pendules Mystérieuses. Trois pièces splendides,
portant la signature de Robert - Houdin,
et très bien décrites dans le catalogue.
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Adjudication du lot n° 372 "La Pendule Mystérieuse" (modèle
classique à une aiguille). |
Ni les deux premières, dites « Modèle classique à une aiguille », ni la troisième,
dite « Modèle à colonne à une aiguille », ne résistèrent aux enchères,
pulvérisant même les estimations du catalogue. Un grand moment sans doute pour Hjalmar, qui se trouva en direct
par téléphone avec New York, pour prendre les enchères, mais la pendule restera
en France et l'acquéreur sera dans la salle.
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Adjudication du lot n° 374 "La Pendule Mystérieuse" (modèle à
colonne à une aiguille). |
Elles atteignirent respectivement 82 000 F, 76 000 F et 132 000 F, pour le plus
grand bonheur de trois collectionneurs et les profonds regrets de nombreux
autres, dont je fais malheureusement parti.
A noter l’acquisition pour 5500 F, d’une toile du peintre contemporain François
Surget, représentant Robert - Houdin dans une pose bien connue, et imitant
parfaitement une photo de l’époque.
On peut imaginer aisément l'importance et la qualité de cette vente à en croire
la présence remarquée dans la salle de l'Expert Madame Florence de Chastenay, ainsi que des commissaires priseurs, et de notre
ami Rubéca qui allaient essayer de faire aussi bien,
quelques jours plus tard, à la vente de Michel Hatte
à Drouot.
Nul doute que Chartres restera dans les annales des ventes magiques. Bravo à Hjalmar qui n’a pas manqué son
rendez-vous et son entré dans le monde fermé et ... « prisé » de l’expertise !
Beaucoup d’entre nous sans s’être vraiment donné rendez-vous, se retrouvèrent
huit jours plus-tard, à Paris, dans l’enceinte de l’Hôtel Drouot. Ce cite,
certes plus connu que la Galerie de Chartres n’en possède malheureusement pas
le caractère mystique qui transforme une simple vente en événement magique !
Dés mon arrivé, je pressentais que la journée serait beaucoup plus ennuyeuse
que la précédente.
La suite allait me donner raison, même si j’ai personnellement remonté plus
d’enchères qu’à Chartres, « business is business ».
Heureusement Rubéca présentant le matériel magique et
Pierre Edernac, qui nous fit une impromptue et
époustouflante démonstration d’effets de corde dont il a le secret, donnèrent
un peu de chaleur à la journée. Nous aurions bien voulu la conserver jusqu’au
soir, mais il semble qu’à Drouot « business soit only
business » ! La vente se déroula dans une monotonie impressionnante, malgré la
présence de caméras TV qui auraient pu lui insuffler un peu de vie. Où était la
magie du petit écran ?
Heureusement, Michel Hatte nous proposait de très
nombreux et intéressant lots d’objets, livres, affiches, qui nous permettaient
de prendre notre mal en patience.
Les enchères allèrent bon train, mêmes si les estimations s’avéraient
finalement beaucoup moins juste qu’à Chartres, étant très souvent au-dessus et
même en dessous du prix d’achat finale.
Les experts sont dans la salle « annonça discrètement mais non moins
ironiquement », une voix connue...
Parmi les pièces les plus remarquables, une chaise truquée à servantes, style
Napoléon III, adjugée pour 11000 F, une balance à aimants ayant appartenu au
Commandeur Cazeneuve (prototype n’ayant jamais été
fabriqué).
De nombreux manuscrits, dont plusieurs de Dhotel,
surestimés à 80000 F, on atteint 42000 F, ce qui est à peine la moitié.
Un dossier Robert - Houdin
comprenant documents et photos divers de brevets déposés par Robert - Houdin fut acquis pour
13000 F.
Pour ce qui concerne les livres « La prestidigitation sans bagages » de Dhotel atteint une côte record de 23000 F. Même si les huit
volumes étaient reliés en demi-basane, cinq d’entre eux n'étaient pas d'une
toute première fraîcheur et donc abîmés, et je crois que la passion a pris le
dessus sur la raison et la valeur rajusté de l’ouvrage. « Les soirées
fantastiques » de Christian Fechner furent acquises pour 5200 F. « La
prestidigitation sans appareils » de Camille Gaultier pour 4300 F.
Quant aux revues « L’Escamoteur » de Robelly et « La
Revue de la Prestidigitation », toutes deux complètes et magnifiquement
reliées, sont parties pour respectivement 7500 F et 21000 F. « Le Magicien »
également complet et augmenté de nombreux documents interfoliés, fut acquis
pour 11500 F.
La vente se termina dans un lamentable brouhaha évoquant plus une braderie
qu’une vente aux enchères. Les lots constitués à la hâte (sans jeu de mot)
devant nos yeux effarés et manipulés sans aucun ménagement, ni respect, par le
personnel de Drouot, furent acquis pour des sommes ridicules, et firent perdre
sans aucun doute beaucoup d'argent au vendeur. Certains comprenaient des pièces
de valeurs mais comme me dit l’un des responsables au lendemain de la vente : «
on en avait marre ». Heureusement qu’ils ne sont pas médecin, si non pauvres
malades de la fin de journée...
On comprend ainsi pourquoi certaines choses disparurent; quoi de plus naturel
me direz-vous pour un événement magique !
Hjalmar se trouva délesté de
cartes de visites de J. Dhotel, et moi-même d’un
ouvrage de Tréborix.
J’ai quand même personnellement récupéré des excuses et une partie de ma « mise
», mais je n’étais pas venu pour ça !
En conclusion, ces deux ventes, très différentes dans leur organisation et leur
déroulement, ont permis à de nombreux collectionneurs, dont je fais parti, de
se faire plaisir, en acquérant ou en approchant des pièces exceptionnelles de
rareté. Elles ont également permis à la magie de faire la une des journaux et
du petit écran, ce qui dans la pratique actuelle de l’AFAP, contribue à son
essor.
Permettez-moi encore une dernière remarque, un dernier état d’âme, et où Hjalmar a eu la sagesse de ne pas
commettre cette erreur !
Ces ventes étant « aux enchères publiques », je ressens toujours un certain
malaise lorsqu’un faux pouce, une fausse main pour foulard Kellar,
ou autre appareil magique secret, est montré et décrit précisément à un public
composé de magiciens, certes majoritaires, mais aussi de profanes entrés par
hasard dans la salle.
© Dr. Serge ODIN, Revue de la prestidigitation n°
479, janvier 1996.