Magie et Illusionnisme Autour de Robert - Houdin
Un événement sans précédent dans l’histoire de l’Illusionnisme.
La Reine des Arts au Musée d’Orsay.
David
Copperfield en compagnie de Hjalmar lui remettant le catalogue " Magie -
Prestidigitation - Illusionnisme " de la vente aux enchères de Chartres
du Dimanche 15 Octobre 1995
. |
C’est sans aucun doute la plus grande exposition jamais présentée au public en
France et à l’étranger tant par sa qualité, que dans le choix judicieux de Mme
Nicole Savy des objets exposés. Elle s’intitule «
Magie et Illusionnisme. Autour de Robert - Houdin ». Elle est visible depuis le 19 septembre 1995
dans le cadre prestigieux du Musée d’Orsay et le restera jusqu’au 7 janvier 1996.
L’exposition se propose de retracer l’histoire de l’Illusionnisme, tout en
mettant l’accent sur Jean-Eugène Robert - Houdin (1805-1871).
Les œuvres empruntées proviennent des collections publiques (Musée National
d’art moderne, Bibliothèque National de France, des Musées de Blois), et des
collections privées de Mme Marteret, Christian
Fechner, des frères Voignier et de moi-même.
La première salle est plus particulièrement axée sur l’Escamoteur de la
Renaissance, dans ses spectacles de rue, et nous le suivons à travers
l’histoire jusqu’à la monarchie de juillet. Parmi les œuvres que l’on peut
admirer, il en a plusieurs devant lesquelles on ne peut rester insensible.
Ainsi par exemple, dans cette salle, au centre, se trouve le tableau bien connu
de Jérôme BOSCH (dit Jérôme Aeken, 1462-1516), qui
donne un caractère satanique à l'Escamoteur qu'il a peint à la fin de sa
jeunesse. Cette huile sur bois datant de 1475-1480, inspirera les Démonologues
perfides qui l'exploiteront.
On sait très peu de choses sur sa vie, seulement qu’il est né et mort dans le
Brabant à Bois-Le-Duc (Herzogenbosch)
d’où provient l’origine de son nom. Visionnaire, observateur, réaliste à la
fois, il annonce BRUEGEL qu’il précède d’un demi-siècle.
La scène représentée est intéressante, avec des personnages bien observés. Mais
il y règne cependant une étrange atmosphère due à la lumière lourde, au mur
sombre, aux contrastes puissants. Une petite chouette, sortant la tête d’une
corbeille accrochée à la ceinture de l’Escamoteur, sans doute sa gibecière,
annonce la présence symbolique du diable comme il en était l’usage à l’époque.
Vers la gauche, un tire-laine, coupe la bourse d’un spectateur. On en
connaît trois représentations. La première est celle qui figure ici. La
seconde, fait partie de la collection Crespi à Milan, et montre le joueur de
gobelets opérant sous une potence. La troisième, la plus méconnue, est une
gravure sur cuivre de 1550, qui se trouve dans une collection privée en
Angleterre.
A proximité de ce tableau, se trouve un dessin attribué à Jérôme BOSCH,
représentant l’esquisse de l’Escamoteur qui mérite également une attention
toute particulière.
Mais ce n’est pas tout, parmi tous ces chefs d’œuvres rarissimes, on peut
également admirer une gravure La chute du Magicien Hermongène
de Pierre BRUEGHEL (dit l’Ancien, 1530-1569). C’est une eau forte et burin
de P. Van der Heyden, chez Cook, 1565.
Selon la légende, le Magicien Hermongène, inquiet de
la concurrence de Saint-Jacques, lui envoie son meilleur disciple, Philète, pour l’ensorceler. Mais Saint-Jacques convertit Philète. Hermongène commande
alors aux démons de lui livrer le Saint. Cette tentative échoue, car
Saint-Jacques retourne les démons contre le Magicien lui-même. La scène montre
le repaire mystérieux du Magicien Hermongène :
monstres, démons, sorcières, possédés, animaux lubriques. On y trouve aussi
tous les numéros de foires et de cirques de l’époque, notamment des avaleurs de
feu et des Escamoteurs. On reconnaît les tours de la tête coupée, de la langue
percée d’un clou, de la main traversée d’un poignard. Le plus maladroit d’entre
eux, bien sûr, est le Magicien Hermongène lui-même,
qui est trahi par les mauvais esprits qu’il avait invoqués.
La lithographie est aussi présente bien que plus tardive, on voit ici, une
œuvre de Jean-Henri MARLET (1771-1846) l’Escamoteur sur le boulevard, prés
le château d’eau, qui est coloriée à la main et qui date de 1820. Elle fut
exécutée pour une série des Tableaux de Paris. La gravure sur pierre fut
inventée par l'allemand Aloys Sénéfelder
et ce procédé fut divulgué en France par Ingres à partir de 1815.
Les grands Magiciens français contemporains de Robert - Houdin sont aussi représentés en la personne de
Philippe (Jacques André Noé Talon dit, 1802-1878). Le dessin de Christian
SCHOELLER 1782-1851, intitulé Philippe, der beruhmte zauberer aus Paris, est reproduit par une gravure sur cuivre
en couleur de Geiger Andréas (1765-1856), qui fut publiée dans la revue n° 287
du 30 novembre 1840 Allgemeine Théaterzeitung.
Des livres aussi sont présents dans cette salle, ainsi J. PREVOST.
Dans un
passé plus proche, la seconde édition de GUYOT.
Pour en revenir à la peinture,
l’œuvre de Philippe MERCIER (1689-1760), l’Escamoteur mérite également
toute notre attention. Ce tableau qui provient de la collection La Caze, fut
attribué jusqu’en 1924 à Antoine WATTEAU. Il existe une gravure au burin de
Simon RAVENET (1710-1774) reproduisant fidèlement la scène de ce tableau. Comme
RAVENET avait gravé les œuvres de Philippe MERCIER, le jour où fut retrouvée
cette gravure l’erreur d’attribution ne faisait plus aucun doute. On trouve
également dans l’Art de 1882, une gravure de Rachel RHODON reproduisant
cette même scène.
La seconde salle est consacrée à Robert - Houdin ,
on y découvre : affiches, programmes et surtout deux célèbres pendules
mystérieuses, le Pâtissier du Palais Royal et le fabuleux Oranger fantastique.
La sculpture est aussi présente avec une œuvre de DANTAN Jeune (Jean-Pierre
DANTAN dit, 1800-1869). Elle représente un oiseau muni d’une gibecière,
manipulant des gobelets et découvrant la tête de Robert-Houdin. Sur le socle,
on remarque sous forme de rébus le nom déguisé du Maître (Robe, R. Houe, Daim).
Pour ma part, une photo de Robert-Houdin d’un très grand format a
particulièrement attiré mon attention, elle se trouve juste derrière l’Oranger
fantastique, c’est un tirage à l'albumine (ou papier albuminé) d’après un
négatif au collodion humide de André-Adolphe-Eugène DISDERI (1819-1889). Son
studio de photographie se trouvait juste au-dessus du Théâtre Robert - Houdin ce qui lui
permis de photographier le Maître lui-même a plusieurs
reprises. D’autres photos de DISDERI et de MIEUSEMENT, d’un autre format dit
carte de visite (format dont Disderi en est
l’inventeur, et qui est de 6 cm à 9 cm) sont aussi très intéressantes, notamment
celle montrant Robert - Houdin
exécutant le tour des gobelets.
Frontispice
ornant le livre de Robert - Houdin
"Les Confidences et révélations. Comment on devient sorcier".
Blois: Lecesne, 1868 . Oeuvre du photographe blesois,
Séraphin-Médéric Mieusement. |
Des livres également sont exposés, parmi eux Les Confidences et révélations.
Comment on devient sorcier. Blois : Lecesne,
1868, où l’on peut admirer la photo de l'auteur en frontispice de MIEUSEMENT.
Il est intéressant, je pense, de savoir qu’il existe plusieurs modèles
différents de cette photographie.
Avant de se trouver dans la dernière salle, un couloir si je peux l’appeler
ainsi sépare la seconde salle de la dernière. On y trouve une série d’affiches
très rares retraçant l’histoire du Théâtre Robert - Houdin. Des appareils, des cartes truquées (cartes
diagonales du début de la première moitié du XIXe siècle), des automates à
pédales, un automate joueur de gobelets de Decamps, des boîtes de physique
amusante retracent cette période si chère à nos cœurs de l’âge d’or de la
Prestidigitation.
L’exposition se termine avec les vingt premières années de notre siècle. Méliès
y a une place toute particulière, ne serait-ce que par le fait d’avoir été le
dernier propriétaire du Théâtre Robert - Houdin, mais aussi par le lien indissociable qu’il
existe entre l’illusionnisme et le cinéma. On y découvre aussi, des grandes
illusions de De Vere, Dickmann. Là encore, la peinture et la gravure y sont
représentées largement par deux œuvres contemporaines qui sont toutes deux
intitulées « Le Prestidigitateur ». La première est de Roger de la FRESNAYE.
C’est une huile sur toile datée de 1921-1922. La seconde est une linogravure datée de 1937 de Henri
Van STRATEN (représenté en première page de couverture).
Enfin pour conclure j’ajouterai que j’eus l’immense privilège le 18 septembre
dernier, lors du vernissage de cette exposition d’être convié en compagnie des
autres prêteurs, ainsi que de divers invités, à une réception au restaurant du
Musée d’Orsay. Là une surprise de taille, préparée par Christian Fechner allait
nous être réservée. La venue de David Copperfield, et
où Christian Fechner me demanda de lui remettre mon catalogue de la vente de
Chartres.
David
Copperfield en compagnie de Madame Nicole Savy et de Gerda. |
Que Mme Nicole Savy trouve ici l’expression de nos
remerciements, pour ce travail remarquable qu’elle a réalisé, tout en servant
cet Art Merveilleux La Magie, permettant ainsi à tous, les petits comme
les grands, les profanes comme les initiés, de découvrir ce que Folleto (Joseph FERRARIS dit, 1853-1919) appelait La
Reine des Arts .
© Hjalmar,
Imagic n° 9, octobre 1995.